• Christiane Genet

     Août 2004

     Table des matières 

     1-Une Harkie………………………………………. page 2

     

    2-La capitelle, chant de la terre……………………...page 3

     

    3-Les platanes……………………………… ……...page 4

     

    4-Le mas des Hirondelles……………………………page 5

     

    5-La galerie 4: le nombre-année est un humanoïde page 6, 7

     

    6-Psaume 151……………………………………….page 8

     

    7-Le Massaï crépu…………………………………..page 9

     

    1- Une Harkie

     J’étouffe un sanglot. Il est là le vieux. Rouillé. Il m’attend avec son balluchon, au bord de la route. Il espère l’improbable. Il sait que je dois m’arrêter pour le prendre dans ma voiture et l’emmener vers sa destination. Retourner au pays avant de mourir, pays qui l’a rejeté définitivement. Rentrer chez lui après être venu ici, pour enterrer son fils. Il s’agit d’un retour.

     

    Il est au croisement de la route d’Uzès et de Remoulins, droit et attentif. Il a un pull-over vert et un turban blanc comme un nuage posé sur sa tête d’homme de passage.

     

    Il me voit, il m’espère. J’hésite. Je ralentis et j’enlève mon pied de l’accélérateur. La route est vide. Mon avenir n’est plus. Je suis lui. Je dois lui parler, je dois répondre à son attente en me mettant à son service. Je dois renoncer à cette journée qui m’appartient pour errer dans sa vie, sous sa conduite. Il a tant à me murmurer.

     

    Je passe devant lui le cœur battant. Mes passagères sont muettes. Elles ne partagent pas mon sentiment d’étrangeté. Elles restent dans un parfait silence. Ce sont des inconnues, plus inconnues que le vieux du bord de route. Elles sont montées ce matin dans ma voiture pour que je les conduise dans le nulle part et partout de cette région de l’Uzege. A ma charge de m’aller tout en conduisant errer sur les routes en passagère clandestine complice de mes deux passagères étrangères. Ce sont deux femmes d’un certain âge tout en retenu.

     

    J’attends un signe de leur part me donnant l’autorisation de m’arrêter. Il ne vient pas. Je me retourne après avoir dépassé le vieux. Je m’assure qu’il me suit des yeux, que nous étions deux à nous comprendre.

     

    Je m’enfonce dans une profonde déception. Je me suis trahie. Je n’ai pas écouté mon intuition. Je suis une Harki. Il a été rejeté par son pays. Je me suis rejetée. A chacun son temps de reniement.

     

      2-La capitelle, chant de la terre

    Je me meurs, moi la terre, au chant des cigales, dans le champ des oliviers

    Plus que centenaires, donnant toujours de nouvelles pousses à l’éternité,

     Permanente transformation des petites billes ovales vert sales

     Que l’on écrase au moulin de pierre pour obtenir

     Une huile d’olive odorante, où chaque famille

     Du village peut rencontrer les autres familles

     Malgré le temps pressé car il faut que chacun

     Trouve à manger et aller à pied par mont

     Et par vaux, lourdement chargé, parfois

     En suivant les ânes qui crottent

     Sur le chemin que tous

     Les homme du coin

     Depuis au moins

     Un millénaire

     Ont entretenu

     En existence,

     A la sueur

     De leur corps

     Vigoureux,

     Mêlant

     Chants

     Et cris

     De souffrance

     

    Moi la terre,

     

    Malgré la richesse

     

    De ma mémoire,

     

    Je suis assassinée.

     

     3-Les platanes

     Un champ de soleil,

     Les soleils me suivent des yeux avec dévotions,

     Les soleils me chantent le seul soleil,

     Les soleils se lèvent à la soleil et se couchent au lune.

     Lève le regard, lève la tête, lève les yeux,

     Je suis ce que j’entends, ce que je vois,

     Ce que je ressens, je suis au-delà.

    Moi la terre,  Un rouleau blanc au pied de Gustave mon platane,

     Gustave en avais-tu besoin ?

     Je les ai toujours vus au masculin les arbres !

    Une poule a fait son œuf.

     4-Le mas des Hirondelles,

     La Cousine habite au mas des Hirondelles. Elle fond quand elle songe à Nice. Son cœur bat à tout rompre. Elle entre dans un sentiment d’envol et de tournoiement qui l’emporte au-dessus des ifs de l’allée centrale qui mène à la route.

     Nice ne comprend pas pourquoi la Cousine le prend pour un aigle. Elle lui a dit mon aiglon chéri. Il se trouve balourd. Pourtant il aime suivre des yeux, l’aigle au loin, dans le ciel. Il l’observe quand il plane.

     La Cousine le compare aux hirondelles. Nisse hésite à la croire. Pourtant, il devient hirondelle quand à l’horizon elle apparaît. Souvent il se laisse effrayer quand elle rase le sol le manquant de peu, et si vite que l’air siffle en même temps qu’elle attaque le silence avec un son strident. Le mas est perché en haut de la colline. Il porte en lui les secrets de tous les amours qui ne se sont pas rencontrés

     

     6-La galerie 4: le nombre-année est un humanoïde

      Je vais vous raconter l’histoire étrange des nombres années des humains.

     Cela commence par l’histoire de la grand-mère, au coin du feu qui tricote rang après rang, en défilé ordonné, un pull-over pour le grand-père mobilisé à la guerre.

     Cette sale guerre qui demande une éponge pour la nettoyer vient de commencer et l’on ne sait quand elle finira. La grand-mère pense à son époux pasteur qui secouriste devenu, lui met l’eau à la bouche en lui envoyant des lettres du front où il raconte ses moments de pêche et ses repas de partage dans les vallées des Ardennes avec ses compagnons de vie. Elle s’inquiète de ce qu’elle ne sait pas et qui toucherait la vie de son compagnon. Elle l’apprendra aussi par lettre. Elle pourrait tricoter pour un déjà mort. Pendant que le grand-père raconte sa guerre par lettre et que la grand-mère tricote, le père n’a pas pu naître.

     C’est pourquoi pour naître il suffit de devenir un nombre-année. Je vais vous donner l’explication. Chaque nombre- année a une histoire personnelle. Son histoire de Moi la terre, nombre-année rencontre une autre histoire de nombre-année. Deux nombre-année se mélange. Ils le peuvent dans le mariage, le concubinage, dans une rencontre fortuite ou qui durera. Peu importe ce qui compte c’est que de ce mélange naisse un enfant nombre-année. Cet enfant est un nouveau nombre-année. Mais dans son nombre-année d’autres mélangent ont eu lieu et donc il l’un des nombre-année de cette année là avec les mois les minutes, les secondes les lieux et enfin les prénoms et nom- de famille on peut les différencier. C’est pourquoi quand un enfant est abandonné on connaît son nombre-année et son mois mais l’on ne connaît pas le reste comme le lieu, le jour et l’heure et le nom des nombres-années qui se sont accordés pour l’aboutir. C’est un grave problème de place ensuite dans la société civile.

     

    En tous les cas, le nombre-année du père est connu car il est issu d’un mélange de nombre-année qui figure dans son extrait de naissance. Le nombre-année du père est celui d’après le retour du grand-père en 1918 quand la guerre cessa. C’est une femme persécutée par les hommes et elle a cessé de vivre à la démobilisation ou à la capitulation des armées en présence. La guerre a laissé partir non seulement le père du père mais le père de la mère du front de la mort donnée et rendue. Oui elle a laissé les deux grands-pères revenir à la vie civile. Celui de la mère est lié au second grand-père qui n’a pas écrit à sa femme car il n’était pas encore retenu et qui bien que blessé de guerre a été marié dès son retour, fort heureusement. Les deux parents sont des nombre-années d’après le retour des deux grands-pères du front. Drôle de destin.

     La suite de cette histoire est la suivante. La rencontre du nombre année du père et de la mère a été conclue par une année-mariage 1939. Tout de suite a repris le cycle de la guerre qui souffre d’être molestée par les soldats, les bombes, les collaborateurs, les libérateurs. Et la guerre cessa une fois de plus laissant des traces indélébiles dans le père et la mère. Une enfant est née de la combinaison du nombre anné du père et de la mère après la deuxième guerre mondiale. Nombre-année 1945. Ce nombre-année est encore en vie alors que la mère est décédée.

     Nous allons suivre ce nombre-année qui à ce jour sur un navire tranquillement descend le grand fleuve le saint Laurent pour aller à son embouchure observer les baleines qui offrent leurs nageoires terminales noires et luisantes aux regards.

     La jeune-femme et son nombre-année pensaient que les baleines rient sous l’eau de leur plaisanterie. La tête à l’envers, les nageoires en parabole maritime elles se moquent des rythmes guerriers des humains du XX siècles.

     

     7-Psaume 151

     

    Le Lion

     Écoute -moi

     Soulage

    Ma peine de tes pattes

     Cache ma douleur

     Dans la prunelle de tes yeux

     Loin des médisants qui me persécutent

    Loin des faux-missionnaires qui m’oppriment

    Efface mes frayeurs

     Par la chaleur de tes épaules

     La misère en embuscade

     Les blessures de l’âme prête à renaître

     

     

     8-- Le Massaï crépu

     Par une nuit de pluie,

     Un Massaï crépu,

     A la barre du patache,

     C’est un bateau à deux mats,

     Un peu grand pour un homme seul,

     Entre dans le port de Dakar, la capitale du Sénégal.

     Il est amer.

     Il a été égaré par les éclairs de l’orage et la mer démente.

     Alors qu’il accoste enfin soulagé, il entend un ordre hurlé par une voix de stentor :

     - "Suivez-moi-jeune-homme."

     Surpris, il râle. Non seulement il a subit une tempête qui l’a éloigné de sa destination mais de plus il est tracassé par un humain qui mélange les mots.

     Il s'écrit:

     - "Saperlipopette, qu’est-ce à dire l’artiste ? Tu t’amuses. Tu me prends pour qui que tu me donnes le nom d’un ruban attaché au chapeau de femme qui le mettait pour attirer les regards des hommes. Je suis un Massaï. Je viens de loin. D’un pays dont tu n’as jamais entendu parlé. Je suis un guerrier. Je mets des robes et j'ai des tresses sur la tête certes. Je ne suis pas pour autant ce que tu crois."

     "- Obéis ou je te tue" lui répond la voix du rufian. C’est un flic rastaquouère qui pointe son dard pour ébaudir le nerf de notre homme. Terrifié, le Massaï lance d’une voix qui se veut désinvolte :

    -" Fi ! Torche-cul ! Faquin. C’est un canular. S’il y a erreur j’endosse. Remarque je n’avais pas le choix quand j’ai mis le pied sur ton quai." 

      Et le Massaï se mit à chanter :

    - Sol la mi ré do fa si. Je t’épate avec ma sono. Que mes élans mollissent tes cris d’argousin. Rentre-toi-les dans le bec. Le flic rastaquouère se trémousse d’un pied sur l’autre et grogne :

     - Ah demi-brave, ta bonté me va droit au cœur. Je la connais. Bon, va, scrogneugneu. Il lui fit signe d’un mouvement sec de la tête de ficher le camp.

     Etonné par ce geste, sans demander son reste, le Massaï, d’un bond, s’évanouit dans la nuit.

     

     

     

     


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